Par Teresa Marques
Présidente-directrice générale de la FRH

L’innovation est toujours un élément essentiel au bon fonctionnement des sociétés et des économies, mais plus particulièrement au moment où notre pays entre dans une période de reprise et de « reconstruction ». Dans quelle mesure le Canada est-il innovant alors qu’il s’apprête à relever ce défi? Parmi les indicateurs habituels à prendre en compte, mentionnons le financement de la RD, le nombre de brevets générés, la productivité et la capacité d’acquérir ou de retenir les talents dans les secteurs de l’économie où l’innovation est importante. Ces facteurs sont certes précieux, mais pour rendre le Canada plus innovateur, la Fondation Rideau Hall (FRH) se préoccupe plus particulièrement d’un élément clé souvent passé sous silence : notre culture. Quelles sont nos croyances et nos valeurs en matière d’innovation?

Les plus récents constats de l’Indice de la culture de l’innovation de la FRH révèlent d’importantes possibilités pour le Canada, qui pourrait tirer parti des conséquences inattendues de la pandémie et s’attaquer enfin aux problèmes systémiques de longue date qui, de manière improductive et inéquitable, limitent notre capacité à innover.

Depuis trois ans, l’Indice prend le pouls des Canadien.ne.s quant à ce qu’ils pensent et ressentent à propos de l’innovation. Malgré une année de perturbations, marquée notamment par des périodes de confinement imprévisibles et une récession, l’Indice de la culture de l’innovation de cette année est demeuré relativement stable.

Vous vous demandez à quoi rime tout cela? Eh bien, il est encourageant de constater que les Canadien.ne.s continuent de valoriser l’innovation. En effet, 44 % des Canadien.ne.s souhaitent que l’innovation soit le moteur de la croissance économique, ce qui représente une hausse de cinq points de pourcentage par rapport à l’année dernière. Plus précisément, beaucoup la considèrent comme un moteur du bien commun, qui non seulement stimule la croissance économique mais contribue aussi à améliorer la santé des gens et à assainir l’environnement.

Alors, si ce que nous croyons à propos de l’innovation est ressorti essentiellement intact de la pandémie, comment saisir cette occasion pour résoudre les problèmes de notre société et faire en sorte que l’engagement du Canada envers l’innovation se concrétise parce qu’il inclut tous les Canadien.ne.s?

Voici les quatre principales conclusions de l’Indice de la culture de l’innovation de cette année.

1)     Les organisations tant publiques que privées doivent continuer sur cette lancée

Sans surprise, l’Indice montre que les Canadien.ne.s estiment que cette année a été marquée par plus d’innovation. En effet, 62 % des Canadien.ne.s reconnaissent que leur propre communauté a dû s’adapter et changer – en d’autres termes, innover – au cours de la dernière année. Plus de la moitié d’entre eux affirment aussi s’être adaptés personnellement pour trouver de nouvelles façons d’accomplir leurs tâches quotidiennes, notamment en utilisant la technologie.

Il y a là un dynamisme à exploiter, en particulier pour le secteur privé. Soixante-neuf pour cent des Canadien.ne.s, soit plus que les années précédentes, comptent sur les entreprises pour stimuler l’innovation. Cela comprend les multinationales de tous les secteurs, mais aussi les petites entreprises et les jeunes pousses.

2)     Pour réussir à innover à long terme, il faut s’attaquer dès maintenant aux inégalités

Comme le confirment les résultats de l’Indice de cette année, la pandémie n’a pas touché tout le monde de la même manière. Les femmes, les Noirs, les Autochtones et les Asiatiques du Canada déclarent être aux prises avec des problèmes d’emploi, de finances personnelles et de stress émotionnel plus importants que la population générale en raison de la pandémie. Les conséquences négatives de la pandémie ont également eu un impact disproportionné sur les Canadien.ne.s de la génération Z, ce qui est inquiétant pour les innovations futures.

Les inégalités en matière de numérique constituent toujours un obstacle à l’innovation. Plus du quart des Canadien.ne.s affirment ne pas avoir un accès adéquat aux technologies, que ce soit en raison de leurs finances ou de leur lieu de résidence. Pour vraiment libérer le potentiel d’innovation de toute la population canadienne et parvenir à une participation équitable, nous devons travailler ensemble dans tous les secteurs pour nous assurer que chacun, chacune dispose des outils et des compétences nécessaires pour évoluer efficacement dans le monde numérique. Par l’entremise de son nouveau programme Catapulte Canada, la FRH finance l’organisme Northern Youth Abroad, qui œuvre auprès des jeunes; celui-ci mènera un projet pilote qui permettra à des étudiant.e.s autochtones des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et du Yukon de suivre des cours en ligne et d’obtenir un soutien, notamment scolaire, au collège Camosun, en Colombie-Britannique.

3)     Nous devons élargir nos perspectives

Les Canadien.ne.s valorisent le rôle de la diversité dans l’innovation. La plupart (72 %) affirment qu’il est important de permettre à des voix et à des points de vue différents de se faire entendre lorsqu’on essaie de résoudre un problème ou de trouver de nouvelles solutions. La même proportion reconnaît qu’il est important d’être exposé aux perspectives de tous les genres.

En même temps, nous pourrions toutefois en faire plus pour élargir nos perspectives. Par exemple, seul un Canadien sur trois cherche activement des occasions de côtoyer des personnes d’origines ethniques ou culturelles différentes.

4)     Nous devons montrer à quoi ressemble réellement l’innovation canadienne

Les Canadien.ne.s ne sont toujours pas suffisamment exposé.e.s aux histoires d’innovateurs.trices et d’inventions de chez nous. Près de la moitié d’entre eux/elles affirment ne pas entendre parler d’innovateurs.trices et d’innovations canadiens dans les médias (47 %) ou à l’école (46 %). Voilà un défi que nous devons relever si nous voulons à l’avenir inspirer une plus grande innovation.

Certains groupes en particulier – les femmes, la génération Z, les Autochtones, les Asiatiques et les Noirs – ont envie de voir des innovateurs.trices qui « leur ressemblent ». Ils nous rappellent combien il est important de bien représenter nos diverses communautés si nous voulons nous rétablir et réussir à long terme en tant que pays. Cela est primordial, parce que raconter des histoires peut nous inspirer à faire mieux; les transmettre contribue à nous rapprocher les un.e.s des autres.

À la Fondation Rideau Hall, nous continuerons de mettre en lumière et de célébrer les réussites canadiennes, afin de susciter l’inspiration de la prochaine génération de rêveurs et de bâtisseurs. Mais les histoires seules ne suffisent pas. Elles doivent être accompagnées de ressources financières réelles et d’un accès aux bons outils et à du mentorat, et ce, dès le plus jeune âge. Ingénieux+, le nouveau programme national de prix d’innovation de la FRH destiné aux jeunes de 14 à 18 ans de partout au pays, est un moyen de contribuer à la réalisation de cet objectif.

J’espère voir des dirigeant.e.s de tous les secteurs, depuis les entreprises jusqu’aux gouvernements en passant par les organismes à but non lucratif, se pencher sur les données de l’Indice de la culture de l’innovation de cette année et les utiliser pour orienter des mesures concrètes. Ensemble, nous pouvons non seulement soutenir notre culture d’innovation actuelle, mais aussi en susciter une encore plus forte et plus inclusive.